The Last Good Night (Brother)

Willy venait d'arriver, il était déprimé, il ne voulait pas être ici, dans ce château de riche et de snobs. Il voulait retourner dans son Allemagne, ce pays qui l'avait transformé, qui avait changé sa vie. Et ses parents qui le rapellaient. Ça les tuait de savoir qu'un de leurs fils étaient, comme ils le disaient si bien, un raté. Mais ça ne les tuait pas parce qu'ils s'en inquiétaient, ça leur plantait un nouveau couteau dans le coeur à chaque fois parce que Will tachait leur réputation. Il faisait de l'ombre sur le prestige de ses parents. Et celui de son frère, évidemment. Son frère. Sa mère, à la mort de son père, avait réussit à les monter l'un contre l'autre. Will ne s'était pas laissé abattre, il avait passé à travers bien des tempêtes, mais la séparation qu'il avait provoquée, le fossé qui s'était creusé par sa faute entre eux deux lui faisait mal, atrocement mal. Son frère, c'était une partie de lui. Et cette partie détachée, il ne restait qu'un grand trou vide. Tout en se remémorant ces souvenirs douloureux, William marchait, sans trop savoir où aller, il suivait ses pieds. Ses pieds avaient mal, ils ne le supportaient plus. À plusieurs reprises, il tombe, se tournant la cheville. Alors, il prenait quelques secondes et restait à genoux. La dernière fois, il tomba et, toujours avec sa grimace de souffrance, il resta dans le milieu de la chaussée. Ses genoux écorchés à force de tomber dessus, ses jeans délavés, troués, effilochés, vieux. Des jeans qu'il avait acheté le jour de leur anniversaire, à lui et son frère, mais sans que ce dernier soit là. Il ferma les yeux et se plia en deux, prit d'un mal de ventre effroyable, il sentait ses boyaux se tordrent à l'intérieur de lui. Puis, lentement, il se releva, des passants le regardaient, inquiets, mais se dépêchaient de le dépasser.

Il était debout. Il devait lutter. Il ne devait pas lâcher. Ne pas s'arrêter. Alors Willy continua, marchant en s'arrachant à chaque fois un bout d'âme perdue, effritée, cassée. Son âme était cassée. Comme une lame qu'on enfonçait aussi loin qu'on pouvait dans son âme. William inspira fortement puis, dans un grand cri au soleil levant, il hurla sa douleur, cette souffrance qui le consumait de l'intérieur, qui l'empêchait de fonctionner. Il laissa rouler ses épaules vers l'avant, la tête basse, et se remit à marcher ensuite, las. Puis, une voix vint interrompre sa marche. Il se redressa d'un bond. Ce son, cette voix. Lentement, Will passa de l'incrédulité à une colère noire. Colère qui, alors qu'il avançait dans la direction de la voix, se mua en un étrange sentiment de haine et d'un amour sincère et profond. Il mêla le son de ses cordes vocales à celles de son frère, un sourire au coin des lèvres et le coeur bouillonnant d'émotion.

« There is a drug that cures it all
Blocked by the governmental wall
We are the scientists inside the lab just waiting for the call

This earthquake weather has got me shaking
Inside I'm high up and dry

Pictures of you
Pictures of me
Hung up on your wall for the world to see

Pictures of you
Pictures of me
Remind us all of what we used to be »

Avec l'énergie revigorée de cette rencontre du hasard, Will sauta par-dessus le banc où Tom était assis et s'y laissa tomber aussi. Ses longs cheveux noirs rebondirent, puis se stoppèrent, cachant son visage contracté, mélangé entre la colère et une joie immense.

William chanta alors plus fort, les yeux fermés, sentant le regard de Tom peser sur lui. Il ne le reconnaissait pas. Willy reçu cette information comme un nouveau coup de couteau. Son propre jumeau ne le reconnaissait même pas. Il eût cette soudaine envie abrupte et cruelle de le planter là, sans un mot de plus. Un sourire cru, agressif, purement méchant caressa ses fines lèvres, mais le rictus sadique se mua en une expression de pitié. Une pitié méchante, injuste, transperça son âme et y laissa une profonde zébrure. La solitude laissa une nouvelle fois sa trace, emportant avec elle tout le reste, ne lui laissant qu'une impression de vide opressante. Will se redressa, continuant de chanter même sans entendre la voix de son frère. Et même quand le son de la guitare cessa, que son frère ne le dévisageait plus, qu'il regardait maintenant l'horizon, y cherchant réponses à ses questions, William continua de chanter, reprenant le refrain en serrant ses poings.

« Pictures of you
Pictures of me
Hung up on your wall for the world to see

Pictures of you
Pictures of me
Remind us all of what we could have been... »

Ses grands yeux bruns fermés, les dents serrées pour que les larmes qui lui brûlaient le derrière des paupières ne tombent pas, il cessa enfin de chanter, et un murmure tout bas, presque inaudible, s'échappa de ses lèvres pincées.

« Ça fait si longtemps... Thomas. »

Il se leva, plantant soudainement son regard sombre, presque noir, dans celui de son jumeau, ne desserrant ni les poings ni les dents pour autant, puis il tourna les talons, faisant mine de partir. Juste au moment où il s'en allait, Willy tourna la tête vers lui et lui lança, comme quand ils étaient jeunes :

« À la vie, à la mort, Bro' »

Et ce, dans son anglais natif, teinté d'un léger accent, comme avant, comme lorsqu'il avait une famille, un frère, une vie. Puis, il baissa la tête et entama une nouvelle marche. Vers où? Vers quoi? Et pour quoi partait-il, pourquoi ne pas se poser, s'arrêter quelques instants pour respirer? William haussa ses larges épaules frêles, détaché de ce monde.

En entendant les paroles de cette chanson, ces mots profonds, coupants, Will s'arrêtta. Il était à dix mètres de son frère, mais il l'entendait très bien. Sa voix un peu rauque, qui perdait parfois sa justesse mais qui sonnait toujours si doux aux oreilles de Willy ne manqua pas sa cible cette fois non plus. Le jeune homme serra les poings encore plus, ses jointures en devenant d'un blanc cadavérique, il sentit que ses ongles s'enfonçait dans ses paumes moites d'apréhension. Un mince filet de sang s'échappa de sa lèvre inférieure alors qu'il la mordait furieusement, s'empêchant d'écouter ces paroles si souvent entendues. Finalement, un léger murmure s'éleva de sa gorge, mourrant sur le bord de ses lèvres sans produire un son, juste le mimer. Il chanta silencieusement avec son frère, l'entendant qui arrivait. Lorsqu'il le sentit près de lui, Will ouvrit ses yeux et fixa l'horizon, fermé, dur comme la roche, et se remit à avancer, évitant de le regarder qui reculait avec lui. Mais quand Tom lui lâcha cette phrase, cette promesse qu'ils s'étaient toujours faite, William leva un poing livide et tremblant d'une haine mêlé à un amour profond, douloureux. Il étampa alors ce poing sur la mâchoire de Tom, fixant son frère d'un oeil hagard, sans émotions.

« You leave me. »

Des mots détachés l'un de l'autre, martelés d'un ton agressif, qui ne permettait aucune répliques. C'était un constat, une affirmation, pas matière à négociation. Un fait pur et dur, cruel. C'était sa vie. Abandonné, de partout. William écarta son frère d'une poussée, mais avant de l'abandonner à son tour, quelque chose souffla en lui un vent de désespoir, comme si ce vent l'empêchait de quitter ce frère juste retrouvé. Il se retourna alors et un large sourire apparut sur sn visage toujours terne tandis qu'il revenait vers lui. Le passé est du passé. William regarda son frère, les larmes aux yeux, puis le prit dans ses bras et le serra contre lui fortement, comme un utlime toucher avant un adieu imminent. Il laissa alors aller des larmes mêlées entre une colère noire, une tristesses infâme et une joie immense.

« Til the end and over it, always Brothers. »

William serra les dents. Il écouta les paroles de son frère les yeux fermés, refoulant les larmes de rage mêlé à une colère sourde derrière ses paupières closes. Tom ne comprennait pas. Il n'avait jamais compris. Il était comme les autres et cela terrorisait Willy. Comment son propre frère, son jumeau, sa moitié, pouvait ne pas comprendre, fermait les yeux là-dessus, s'en remettait à des choses aussi insignifiantes? William ne le savait pas, il ne voulait pas savoir, il préférait croire que Tom était sous la charge d'un autre, qu'il était obligé de faire ça, qu'il le faisait pour que lui, il puisse vivre. Mais Will, aussi persuasif tentait-il d'être envers lui-même, n'était pas dupe et il savait bien, au fond, que Tom ne savait juste pas, qu'il n'était pas dirigé par personne. William sentit Tom l'attrapper par le col et le monter. Il touchait encore terre, il avait prit des forces le petit William, il s'était entraîné, il avait vécu dans les rues pendant trois ans, il s'était renforcé. Il avait vécu sous les autres. il avait vécu par les autres, pour les autres. Maintenant, il ne vivait plus, il survivait. Survivre. Mais pourquoi survivre, ce serait si facile de se laisser manger, de se laisser mourir. Sauf que Will avait trop d'honneur, trop d'orgueuil, il ne pouvait se résigner à laisser tomber, à les laisser gagner.

« You cannot understand, you just don't know. Let me down. »

Tom le lâcha après lui avoir débité tout un flot de mots en anglais. William avait les yeux toujours fermés, cherchant dans son esprit ce fameux jour de 03 août. Il le retrouva sans peine et des images vinrent l'assaillirent tandis qu'il subissait les assaux oraux de son jumeau sans broncher, comme s'il n'était pas là. Et en effet, Will s'était transporté jusqu'à trois mois auparavent, devant la vitrine d'un café où les douces effluves faisaient gargouiller son ventre affamé. Il la revit, elle, cette belle, grande, jeune femme. Elle avait des cheveux d'un noirs d'encre, bouclés et des yeux d'un vert intense, magnifique. Ses lunettes carrées couleur fushia attirait le regard sur son visage un peu rond, terriblement attirant. Elle s'était alors approchée de lui et lui avait offert un diner. Will avait accepté et il avait mangé comme un roi, accompagné de cette jeune inconnue. Puis, ils étaient allé marché dans le Mont-Royal. Elle lui avait demandé, avec son petit accent français : « What did you want from life? » Puis, elle l'avait embrassé somptueusement et il ne l'avait plus revue. C'est cette phrase, cette minuscule phrase, qui au premier abord n'a pas de vrai sens, qui vint à l'esprit de Will en entendant les reproches que son frère lui faisait.

« You can believe anything that you want, but it would'nt change. It is what it is. And if you want to put this on my fault, it's okay,. go on. But you'll never know. It's pleasing, in a sense, because like that, I can protect you from thoses things that you cannot control. From yourself, in fact, and from life. Because life is crap, I learned it by myself, and I don't want you to like I had. It's too hard. I'll protect you until the far end, and even if I die, remember that I'll always be right there, whenever you need me. You're my Bro', nobody can change it, not even our dear God. »


William s'apprêtait à repartir comme une ombre, mais le ton de son frère le retint, et il inspira lentement, essuyant les deux grosses larmes qui avaient coulés sur ses joues enflammées d'un revers de main tremblotant d'une nouvelle colère. Il avait parlé avec rectitude, d'un ton autoritaire et sec, presque dur. Fronçant les sourcils lorsque Tom repris la parole, ce qu'il lui dit eut le même effet qu'une lame en plein coeur. Il accusa le coup en déglutissant difficilement, mais résista à l'envie pourtant très tentante de frapper son frère. À quoi il avait pensé? Quelle était la petite bête noire qui avait fait son trou dans son esprit à ce moment là? William secoua la tête et regarda partout autour de lui. Non, non, et non. Thomas ne savait pas, il ne comprenait pas, il ne pouvait pas savoir. Et en un sens, cela plaisait à William parce qu'il saviat qu'ainsi, son frère était protégé. Protégé de tout ce que lui, il avait vu. Lorsque Tom eût finit de parler, William pencha la tête sur le côté et esquissa un petit sourire. C'était finit? Bien.

« What do you want from life, Thomas? »

Puis, il tourna les talons avant Tom, le plantant là à nouveau. il se fondit dans la masse de gens qui se levait avec le soleil sur ce ciel gris. Est-ce que Thomas allait le rattraper?

« Let's start over.
I'll try to do it right this time around.
It's not over.
'Cause a part of me is dead and in the ground.
This love is killing me,
But you're the only one.
It's not over. »

William serra les dents encore une fois, il sentait que Thomas n'en avait pas finit, qu'il ne voulait pas accepter. Comprendre. Il voulait comprendre. Pouvait-il seulement lui montrer les rues remplies de junkies, de prostituées, d'hommes louches à Montréal, pouvait-il seulement lui faire imaginer les misères qu'il avait vues au collège Dawson, le 13 septembre 2006? Pouvait-il au moins lui dire son secret, ce qui le rongeait de l'intérieur? Non. Et Thomas se mettrait en colère, il voudrait savoir de tout son cœur, il pourrait même le frapper, le battre jusqu'à ce que Will meure. Mais William était décidé à garder le secret, à ne jamais lui révéler ce que la vie lui avait fait. Il continua de marcher lorsque son jumeau se mit devant lui. Il écouta ce que son jumeau avait à lui dire.

« You cannot understand, Tom. It's not your fault. It's just like that. I'd already told you that. You cannot just tell me "Explain it to me". It's more complicated. »

Puis, Thomas s'arrêta et baissa les yeux. William inspira longuement. La seule chose qu'il détestait plus que lui-même était de voir pleurer son jumeau. Il garda l'air frais de cette aube du moins chargée en émotion et enfonça ses ongles courts dans la chair de sa paume, se faisant mal sans s'en rendre compte. Puis, il affronta Thomas en plongeant son regard brun tari de cet éclat de joie qu'il avait toujours eu dans celui de Tom.

« We can't let this get away.
Let it out, let it out.
Don't get caught up in yourself.
Let it out. »

Willy expira l'air de ses poumons et eût soudainement une envie vertigineuse de fumer. Fumer une cigarette, sentir la fumée le détruire intérieurement, sentir la nicotine faire son effet apaisant, embrouiller son esprit sur le bord d'exploser. Il ouvrit les yeux et desserra les poings, sentant une certaine tension s'évader de par les petites coupures qu’il s’était fait dans les mains. Il se redressa un peu et sourit à son frère. Un sourire sincère mais mystérieux, qui voulait à la fois dire que lui, il comprenait et aussi ce n’est rien, ça va aller. William avait toujours été celui qui avait encaissé, protégeant son jumeau au péril de sa vie. Qu’importe, s’était sa destiné.

« Hey, Twin. Never think that I could put you away from my life. I cannot live without you by my side. Please, forgive me. I was far for too long; I don’t remember how you do to express your love to someone. Would you, please, help me, Tommy? »


William retint son frère par le bras et le ramena vers lui, plongeant encore une fois ses yeux dans ceux de Thomas. Dans ses yeux brillait une lueur, quelque chose de nouveau. De grosses larmes roulaient sur ses joues sans que William ait ne serait-ce que l’envie de les faire partir. L’espérance éclatait dans son regard qui demandait pardon pour toutes les fois où il n’avait pas été là pour son jumeau, l’espérance que oui, finalement, il y avait du bien dans la vie.

« Let's start over.
It's not over, yeah...
This love is killing me,
But you're the only one.
It's not over »

Willy sourit, la curiosité de son frère pour sa personne ne verrait jamais le bout. Il lui donna une petite tape amicale dans le dos, l'encourageant à marcher avec lui. Il leva le nez vers le ciel, ce ciel où perçait à présent quelques rayons de soleil à travers les gros nuages cottoneux. Son sourire s'élargit. Il avait trouvé ce qu'il dirait à son frère. Inspirant longuement, le jeune homme haussa négligemment les épaules et lui jeta un regard en coin tout en disant d'une voix calme, douce, comme celle qu'il employait le plus souvent pour raconter quelque chose à son jumeau :

« At a place and an other. I went to Canada, I lived in Québec, it was very fun. I learned french there, and now, I can talk french as easily as it was my mother tongue. People there are very warm, they accept difference. Did you ever go to Québec? It's such a beautiful place! »

Il s'était emporté, il se souvenait des milles et unes odeurs enivrantes de la nature au mont Saint-Hilaire, de la vue des passants pressés, des jeunes qui déconnaient sur la chaussés, des squidgis au coin des rues bondées de Montréal. Mais ce dont il se souvenait le plus, ce qui l'avait marqué, c'était comment les québécois étaient accueillants, ils l'avaient accepté, aidé, aimé même, pour ce qu'il était. Ce souvenir qui s'imprégnait en lui, qui l'avait poussé à rester plus longtemps pour apprendre le français, ça a avait été la beauté à couper le souffle de leur nature, leur lac, leur forêt, leur parc nationaux. Will se demandait encore pourquoi ils n'étaient pas un pays, le Québec était plein de ressource naturelles! Il se perdit dans ses souvenirs, c'est sa petite horloge intérieure qui le ramena sur terre, avec son frère à côté de lui. Avec un sourire narquois, moqueur mais tendre à la fois, William lui dit, dans un français immaculé :

« Et toi, Thomas, qu'as-tu fait pendant ces trois années? »

Il émit un petit rire, son rire caractéristique, contagieux, puis posa ses yeux brillants de malice sur son jumeau, attendant une réponse.

William fut étonné de la prestation de son jumeau, mais loin d'être orgueuilleux, il était bon joueur et applaudit à chaude main Thomas, un sourire moitié taquin moitié réellement fier de lui. Il passa un bras autour de ses épaules, lui enserrant affectueusement le cou, puis il lui déclara d'un ton solennel, avec cet accent du Québec qui avait fait sa place dans son coeur :

« Thomas, mon petit Thomas, mon cher petit Thomas, ah si tu savais comment ça me fait chaud au coeur de voir que t'a réussis à faire quelque chose d'autre de ta langue que de la fourrer dans n'importe quelles bouches! Allons, oui, prendre un café, on pourra ensuite aller se promener, bras dessus bras dessous comme avant, on fera le tour du monde ensemble si tu veux! Si tu savais comme ça m'a fait mal de te quitter, comme maintenant mon bonheur est plus immense que ce ciel qui s'éclaricit là-bas, vers l'horizon où nous marchons! »

Will frotta son poing fermé contre le crâne de son frère, lui ayant préalablement enlevé sa casquette d'un coup, puis il le relâcha, sachant très bien que pour Tom, ses dreads s'étaient ses bébés, alors c'est pas touche. Accès restreint aux filles les plus belles! William lui tira la langue, s'attendant à ce que Tom l'engueule sans vraiment l'engueuler, et partit en courant, comme un gamin.

[ Gomen c'est court.. ]

William se laissa rattraper facilement, il avait mal à la cheville, il redonna sa casquette à son jumeau en souriant comme un gamin. Sa blessure n'était pas encore remise, il était tombé deux jours avant et sa cheville était faible, il l'avait un peu oubliée à force de marcher, mais maintenant ça lui faisait un mal de chien. Bien sûr, avec son talent de comédien qui en troublait plus d'un, Will s'arrangea pour Tom ne se rende compte de rien. Il sourit largement à son twin et passa son bras autour de ses épaules, prêt à partir pour une nouvelle aventure.

« Allons-y! Je meurs de faim, en plus, comme tu l'offres si gentiment, je vais te laisser régler l'addition. »

William rigola, son rire cascadant dans l'air frais de ce matin d'automne. Bras dessus, bras dessous, comme avant, comme pendant leur enfance. Non. Trop de souvenirs douloureux s'enjoignaient à ceux de son frère et lui. Il secoua imperceptiblement la tête pour les chasser et posa ses yeux bruns sur le sommet de la tête de son frère. Il souriait, bêtement, comme ça, juste pour sourire. Il était heureux. Ce mot, même au singulier, semble être au pluriel. William en avait donc déduit qu'on ne peut être heureu seul. Et il était bien content, après tout, d'avoir retrouvé son frère. Il pourrait mieux le protéger afin que rien d'autre de malheureux lui arrive. Il s'en voudrait à mort si s'était le cas. Il ne voulait pas penser à ça maintenant. Willy fit le vide dans sa tête comme il savait si bien le faire et n'y laissa qu'une pensée : vivre le moment présent. Il se félicita de cette capacité et continua de marcher vers le soleil levant, dardant de doux rayons chaleureux sur le visage radieu de bonheur de Will.